Voilà votre tout petit devenu un peu plus grand…déjà 1 an, que le temps passe vite. Il a désormais passé les premières grandes étapes, et voilà qu’il entre maintenant dans un monde de relations à l’autre.
Cet autre, ce jeune enfant proche de lui qui joue, qui bouge, qui interagit devient objet d’attention et source d’intérêt. Cependant, le jeune enfant n’a pas encore acquis les codes sociaux et les règles inhérentes à la vie en collectivité. Il peut donc faire une entrée en matière pas toujours adaptée. Réagissant de manière pulsionnelle, cela peut se manifester par un câlin trop serré, un bisou qui croque, une main qui tape, ou qui pousse. L’enfant peut être tour à tour, acteur de ces comportements, mais aussi spectateur récepteur. À cet âge, ces comportements sont la plupart du temps un simple mode de communication.
Pourquoi ces comportements ?
Les comportements agressifs, sont liés au fait que le cerveau du tout petit est complètement immature. Vous allez découvrir ici comment fonctionne le cerveau de votre enfant.
Les connexions neuronales du tout petit sont en cours de fabrication. Dans le cerveau du jeune enfant, entre 0 et 2 ans, se sont développées 1 million de milliards de connexions neuronales, c’est-à-dire 10 fois plus que le réseau internet mondiale. Autant dire que le cerveau de votre enfant bouillonne en permanence. Vous, en tant qu’adulte, vous avez 300 000 milliards de connexions neuronales. Pourquoi en avez-vous perdu ? Parce qu’en grandissant vous êtes devenu expert dans plusieurs domaines, mais ceux dont vous ne servez jamais ont simplement disparu ; permettant ainsi de laisser la place à une expertise fiable et utile. Votre cerveau ne va pas forcément garder vos meilleures expériences en souvenirs, mais vos expériences les plus fréquentes. C’est la répétition des expériences qui fait que la connexion neuronale va s’étoffer et se souder pour devenir un acquis solide.
Alors que se passe-t-il dans le petit cerveau qui bouillonne ? Une émulsion permanente d’observation, de découverte, d’acquisition, de frustration, d’incompréhension… Ce cerveau immature, en cours de construction, ne permet pas à l’enfant de raisonner comme un adulte. Ses émotions le dominent, lui offrant comme seule possibilité de réagir de manière pulsionnelle et involontaire. Non, il ne le fait pas exprès, il n’est simplement pas en capacité de faire autrement. La pulsion agressive fait partie intégrante de ces émotions débordantes. C’est une réelle source d’énergie avec laquelle il va falloir apprendre à composer pour un temps.
Entre 1 et 2 ans, l’enfant devient marcheur, l’amenant ainsi à aller découvrir les autres plus facilement. Le jeune enfant peut pousser, griffer un autre enfant, cherchant ainsi à entrer en interaction avec lui. Cela va lui permettre de voir comment réagit l’autre enfant, est-ce qu’il pleure, sourit, crie, ne dit rien ? Ce sont des tests pour intégrer les limites de son champ d’action. C’est aussi un bon moyen de faire bouger les adultes autour de lui et d’attirer l’attention.
Le jeune enfant de 1 à 2 ans, entre dans une phase de tests récurrents, l’amenant à intégrer les règles de vie en collectivité : les possibilités, les limites et les interdits. L’enfant n’a pas un langage assez développé pour exprimer les choses. De fait, l’enfant qui se fait arracher un jeu risque de taper en réagissant de manière pulsionnelle. L’enfant défend ainsi son espace « vital ». Plus tard, il pourra l’exprimer « c’est mon jeu, donne-le-moi. »
C’est une période où le jeune enfant a une prémisse de conscience de lui et des autres, sans pour autant bien différencier l’un et l’autre. Il rencontre des difficultés à comprendre pourquoi il ne peut pas être à la fois celui qui regarde et celui qui joue avec. C’est pour cela que les jeunes enfants veulent souvent le jouet qui est en action dans la main d’un autre enfant.
Un exemple de votre quotidien : Léo joue avec une petite voiture, il la fait rouler et s’amuse à faire du bruit avec sa bouche en même temps. Camille, qui l’observe depuis quelques minutes, vient lui prendre la voiture des mains. Léo pleure. Camille regarde la voiture dans sa main pendant plusieurs secondes puis la jette par terre. Ici typiquement ce qui intéressait Camille, c’était l’action que Léo effectuait avec la voiture. Une fois qu’elle l’a dans sa main, la voiture ne bouge pas et ne fait pas de bruit : de fait, elle a perdu tout son intérêt. Vous voyez ici que l’intention de Camille n’était pas mauvaise mais simplement intéressée.
À cet âge, les enfants n’ont aucune intention de faire mal, ils sont dans la découverte d’eux et des autres. Les conflits émergents ne sont pas forcément négatifs, ils sont la résultante de deux désirs distincts. Ils sont donc accompagnés en toute bienveillance par la parole afin qu’expliquer à chacun ce qu’il se passe, et comment on peut se comporter avec l’autre. L’affirmation de soi peut quelques fois se faire au détriment de l’autre, c’est pourquoi il faut sans cesse accompagner les enfants dans leurs relations.
Que faire ?
Premièrement, comprendre ce qui a déclenché la pulsion d’agressivité afin d’expliquer à l’enfant comment faire autrement pour gérer cette situation. Par exemple : « Les mains servent à faire des caresses ou des câlins, les pieds servent à taper dans un ballon ou à marcher ». Rationaliser l’action.
Ne pas isoler l’enfant : cela ne fera que renforcer sa frustration, augmentant ainsi sa colère. Les punitions sont à éviter et il ne faut surtout jamais refaire à l’enfant ce qu’il a fait : le taper, lui mettre un doigt dans l’œil ou le mordre. À cet âge-là, il ne fait pas le lien entre la douleur qu’il a causé à l’autre et celle qu’il ressent lui-même. De plus, si vous demandez à l’enfant de ne pas faire mal à son prochain, vous devez lui montrer l’exemple. Cette attitude est donc contre-productrice en termes d’apprentissage et totalement incompréhensible pour l’enfant. Ne négligez pas pour autant la souffrance infligée à l’autre enfant. Vous pouvez la nommer « Tu vois, Simon pleure, quand tu tapes avec ta main, ça fait mal. » Ainsi, vous allez donner à comprendre l’émotion de l’autre à l’enfant qui a agressé.
Vous devez, dans le même temps, offrir à votre enfant la possibilité de libérer cette pulsion trop forte, jusqu’à ce qu’elle se transforme en tristesse. La colère laissant place à la frustration, fait quelquefois couler des larmes. Cela n’est pas une mauvaise chose, au contraire, cela fait partie du processus d’acceptation. En effet, accepter quelque chose qui ne nous convient pas n’est pas chose aisée, il faut faire le deuil de sa volonté première. Laisser lui la place de libérer cette colère, ne lui demandez pas de se calmer, il en est incapable, son cerveau n’est pas assez mature pour cela. Vous pouvez vous asseoir à côté de lui, lui dire que vous êtes là, que vous savez que ça va passer ? Certains enfants acceptent des câlins même dans ces moments de colère. La douceur restera le meilleur moyen d’apaiser une émotion pulsionnelle.
Quand est-ce que ça s’arrête ?
Au-delà des 2 ans 1/2, on pourrait penser que cette période de pulsions agressives est terminée. Les règles de vie sont relativement intégrées, votre enfant connaît ses pairs et le langage lui permet de s’exprimer, évitant ainsi certaines pulsions. Même si cela est plus rare, il se peut que des « grands » aient encore ce genre de comportement. Souvent liés à une frustration trop forte ou mal assimilée, ou alors à cause d’un changement important dans la vie de l’enfant. Par exemple : un déménagement, l’arrivé d’un bébé dans la famille ou une séparation des parents. Les états d’âmes psychologiques du jeune enfant se ressentent assez souvent dans les pulsions agressives.
Néanmoins, on observe chez les plus grands l’apparition des jeux symboliques, du faire semblant, facilitant les interactions entre enfants. Les pulsions agressives vont alors se transformer en jeux de chevalier, de pirates, de bagarre. Une façon socialement admise de décharger les pulsions agressives qui perdurent. Il se peut qu’un enfant extériorise sur une poupée afin de décharger. Qu’il morde ou tape celle-ci n’est pas dérangeant si cela lui permet d’aller mieux.
Focus : La morsure
Pour l’enfant qui la commet, la morsure est un acte de communication comme les autres (taper, pousser, griffer…). Il n’y a ni plus ni moins de message ou d’agressivité. Ce sont les adultes qui y mettent un sens particulier, car cela nous renvoie à nos références d’adultes. Et, disons-le clairement, les marques d’une morsure sont beaucoup plus impressionnantes pour nous. Le fait que l’acte en lui-même laisse une trace est plus difficile à accepter.
Le jeune enfant en deçà de 2 ans, est encore dans un stade de découverte buccale (par la bouche) assez important, donc parfois, il va aller « goûter » celui ou celle qui est proche de lui. Quelquefois, il a juste envie de lui faire un bisou, mais ce dernier déborde. Trop d’affection pour l’autre ! Oui, la morsure n’est pas forcément négative en première intention. C’est comparable au bébé qui se love dans le creux de votre épaule et vous mordille pendant ce câlin. Il est tellement fort, tellement important pour lui, qu’il vous dévore 😉
Il y a plein de raisons qui peuvent amener à la morsure, que l’adulte observateur ne décrypte pas toujours. La morsure peut être une forme de défense pour l’enfant qui ne sait pas encore s’exprimer par langage : « Je ne suis pas d’accord pour te donner le jouet que j’ai en main, cela fait trois fois que tu viens me le prendre, il faut que tu comprennes », « J’ai eu peur quand tu es venu trop près de moi en criant, en courant, je te mords pour préserver la sécurité de mon espace de jeu ». Le jeune enfant ne fait pas encore toujours la différence entre l’autre enfant et un objet ; il peut aussi tout simplement se soulager de douleurs dentaires, comme s’il s’agissait d’un anneau de dentition.
Quoiqu’il en soit, par la morsure, l’enfant exprime quelque chose. C’est à nous les adultes, parents et professionnelles, de l’amener à comprendre qu’il peut le faire autrement.
Rappelez-vous que l’enfant est une éponge : quand vous dites à votre tout-petit : « Tu es tellement mignon, on a envie de te croquer ! » , que peut-il retenir de cela ? « Je peux croquer les autres, puisque Maman/Papa, qui ne veut que mon bien, veut me le faire à moi. ». Votre enfant ne comprend pas alors la réaction des adultes (parents et professionnels) quand lui-même « croque » un autre enfant parce qu’il l’apprécie.
En conclusion
Vous l’aurez compris, les comportements agressifs peuvent intervenir de la part de n’importe quel enfant. C’est un moyen de s’exprimer, et tous les adultes qui accompagnent votre enfant vont l’aider à changer de mode d’expression. Que votre enfant soit agresseur ou agressé, dites-vous que dans tous les cas, il faut l’accompagner. Par les mots, par les gestes d’apaisement, par la douceur pour désamorcer la situation. Dans la micro-crèche qui accueille votre enfant, les professionnels sont formés à gérer ce genre de situations au quotidien. Si une situation vous tracasse, n’hésitez pas à échanger avec les professionnels directement. En bref, un enfant qui commet un acte agressif doit être accompagné à faire autrement et écouté : il a juste voulu entrer en communication.
Les autrices sont Éducatrices de Jeunes Enfants.
Kathleen Fauret est référente pédagogique dans le réseau de micro-crèches Les p’tits Babadins. Audrey Bouté est coordinatrice pédagogique.
Cet article est un travail à quatre mains, rédaction par Kathleen, relecture et nouveaux apports d’Audrey, il reflète la pédagogie qu’elles mettent en place chez Les p’tits Babadins.